Enfant il dégageait déjà quelque chose. Que ce soit son envie de défi qu’on sentait en permanence par ses yeux ou la supériorité qu’il se donnait dans ses fabuleux sourires. En un sourire, en un regard, il pouvait réchauffer le cœur le plus froid. Quoiqu’on dise, c’était quelqu’un de chaleureux. Il ne le montrait pas souvent, voilà tout. Il arborait des couleurs froides qui ne faisaient pas ressortir ce côté. Il était toujours habillé en noir et jouait sans cesse avec sa cape. Au mieux, une couronne bien trop grande à cette époque amenait une touche de rouge et d’or. Cependant, si ce n’était pas sa couronne c’était un autre chapeau, tout aussi sombre lui par contre. Il avait toujours une canne à la main, on aurait dit un magicien. Ses cheveux noirs étaient toujours attachés en arrière, il ne semblait pas décider à les couper.

Il ne doit pas avoir beaucoup changé. J’imagine qu’il a toujours l’air d’un grand gamin. C’est l’impression qu’il donne au premier abord, et ça se confirme lorsqu’on apprend à le connaître, mais il sait aussi faire ressortir ses airs supérieurs selon les circonstances. Dans ces moments là, où il paraît sérieux, il ne se gêne pas pour étaler ses connaissances et rabaisser au possible hormis lorsqu’il essaye de charmer, où il se montrera « sérieux mais pas trop » et galant. Quand on a connaissance de son caractère, c’est difficile de le prendre au sérieux malgré tous les efforts qu’il pourrait faire ; comment prendre au sérieux un adulte passant son temps à faire des caprices ?

Même en l’ayant élevé, je n’arrive pas à le cerner complètement.
En grandissant il devint impossible à faire tenir en place. Il n’en faisait qu’à sa tête et mis du temps à apprendre à m’écouter. Cependant, il était très intelligent et, une fois concentré, habile de ses mains. Il m’agaçait à utiliser n’importe quoi pour des constructions en tout genre, mais m’impressionnait par la qualité et l’ingéniosité. Je pensais qu’il redoutait l’école car il préférait rester à la maison, simplement, mais je me rendis compte que c’était l’ennui qui le repoussait ; il savait déjà lire, écrire et compter, alors à quoi bon y aller ? Il faisait le minimum nécessaire hormis si le sujet le passionnait.

Une fois en primaire, il trouva une occupation. Il savait se montrer respectueux et aimable lorsque j’étais derrière lui, mais profitait des autres à outrance sitôt qu’il était seul. J’avais déjà remarqué la lueur de défi qui frappe immédiatement lorsqu’on observe ses yeux, j’avais aussi remarqué la facilité avec laquelle il obtenait ce qu’il voulait avec quelques paroles bien placées et un regard contrôlé, mais je ne savais pas que lui en était si conscient. Il contrôlait ses faits et gestes avec une précision déconcertante. Et quand on voit cette partie de lui ; doué en tout et flatteur, on se demande pourquoi il est ainsi. Pourquoi il déteste tant les autres, pourquoi il adore tant provoquer des conflits, pourquoi se borne-t-il à utiliser la violence, pourquoi ne peut-il pas tenir en place, pourquoi continue-t-il à être si méprisable ? Il agit comme il l’entend, et c’est bien le plus agaçant.

Il ne changea pas beaucoup avec le temps ; il continue à se moquer et à manipuler les autres comme un enfant immature. Cette expression le résume bien ; « enfant immature ». Il rit de toute et de n’importe quoi et ne se gênera pas pour couper une conversation si elle ne l’intéresse plus. Il est imbu de lui-même et se croit au-dessus de tout. Mais c’est quelqu’un de très solitaire qui ne parlera jamais de son passé. Il a toujours vécu dans le présent, sans remord et sans anticiper ; réfléchir avant d’agir ? C’est un concept qui lui semble inutile.

Afin d’obtenir de lui le respect et la confiance, il faut le dresser comme un chien. Ainsi, il sera le garçon le plus adorable car il ne voudra en aucun cas vous perdre. Il risque de rester sarcastique à votre égard, mais c’est ça façon d’aimer.

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Il n’y que deux personne à qui j’offre mon respect et ma confiance. Il n’y en a que deux qui les ont gagnés. Il a d’abord ma sœur, qui a tout fait pour moi, et ensuite Elle qui, quoique j’en dise, est importante à mes yeux. Elle est mon bras droit, mon second, je n’aurais rien fait sans Elle. C’est elle qui me réprimande quand je dois rencontrer quelqu’un d’important, c’est elle qui m’interdit mes plus gros caprices. C’est elle qui a fini le travail de ma sœur, elle qui la remplace, elle qui m’accompagne lors des bals. Je ne vois pas ma sœur à travers Elle, mais je suis bien conscient qu’elle a une place similaire dans mon cœur.

« Maman ? Vous … vous êtes vraiment obligé de faire ça ?

-C’est mieux pour tout le monde. Pour toi, qui ne vivra plus dans l’illusion d’un amour parfait entre tes parents, pour lui, qui ne se souviendra jamais d’une mauvaise ambiance dans sa maison et pour ton père et moi, qui pourront être heureux de notre côté.

-Mais … Mais

-Chuuut. Tout va bien se passer ; tu es forte. Et puis on pourra toujours se voir. Tu restes ma fille. »

Je n’échangeai plus aucuns mots avec elle. C’était des paroles en l’air. J’étais peut-être sa fille, mais une fille pas si importante. Après le divorce, je fus prise d’un élan d’affection pour mon père. Jusqu’à là, je n’avais jamais fait très attention à lui. J’étais plus attirée par ma mère, je cherchais ce qu’elle pouvait avoir de bon en tant que femme. Je ne l’avais jamais porté dans mon cœur, mais les dernières phrases qu’elle m’avait adressées avaient semé le doute ; elles semblaient si sincères. Mais la suite m’appris qu’il n’y avait aucune raison de douter ; cette femme n’avait rien d’un humain et encore moins d’une mère. Elle était méprisable. Mon père n’était peut-être pas le meilleur des hommes, mais sa plus grosse erreur restait d’avoir épousée une personne comme elle. Il se rendait bien compte qu’il aurait pu trouver mieux, qu’ainsi il aurait eu une vie bien plus agréable, mais je crois qu’il l’aimait et qu’il l’aima jusqu’à son dernier jour.

Est-ce ironique, d’éprouver de l’affection pour l’homme qui a tenté de vous tuer, alors que vous n’étiez qu’un bébé, à maintes reprises et de détester la femme qui, à part vous ignorer comme un insecte, ne vous a rien fait de mal ? Je pense que s’il voulait se débarrasser de moi, c’est parce que j’étais un bel exemple de la personnalité de ma mère ; car j’étais née d’un amant parmi tant d’autres. Je n’étais pas sa fille, pourtant, après tous ses échecs, il m’a traité comme telle. En revanche, j’étais sa fille à elle, mais je ne l’ai jamais été dans son cœur.

Elle pensait peut-être que tout irait bien, que son fils qu’elle aimait tant grandirait dans une ambiance heureuse, mais ce ne fût pas le cas. Elle a tant répété et répété son amour pour lui que je pensais qu’elle pouvait aimer. Quelle blague ! Son « cadeau de la nature », sa « merveille » qui lui était si chère, elle l’a simplement laissé comme un jouet dépassé ! Bien sûr, elle ne pouvait pas prévoir la mort prématurée du père de cette merveille, mais pour tous les mots qu’elle avait dits à cet enfant, elle ne pouvait pas faire ça.

J’élevais donc seule mon demi-frère. Je pris sur moi, effaça comme je pu la jalousie que j’éprouvais à son égard ; car lui, personne n’avait tenté de le tuer, lui, elle semblait l’aimer quand moi je n’étais qu’un dommage collatérale, quand je n’étais même pas une personne. Petit à petit, j’appris à l’aimer. C’était mon frère, après tout, et il n’avait rien voulu de tout ça. Je décidai de l’éduquer afin qu’il devienne quelqu’un d’important, quelqu’un de respecté. J’étais aussi poussé par une pulsion égoïste ; je voulais qu’elle entende parler de lui et qu’elle soit fière de ce que j’en aurai fait, fière de moi.

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C’est pendant mes années de collège que je tombai à Underground. Je dois admettre que je ne compris pas ce qui m’arrivait, il me fallu un certain temps d’adaptation. Mais finalement, je trouvais ce que je voulais faire de cet imprévu ; je fondais une mafia. Avec cette communauté, je pouvais propager des rumeurs et des idées très rapidement et les habitants étant peu réfléchis, c’était même très facile. Je commençais par instaurer une religion ; la période des 5 Dieux commença. L’un à la suite de l’autre, ils tentaient de convaincre de leur inexistence. C’était un très bon souvenir ! Pour ne pas faire traîner cette histoire déjà longue, je conclus avec le 6° Dieu. Je laissais passer plusieurs années de tranquillité avant de créer le conflit Pour/Contre. Il y a eu une réelle coupure entre ces deux évènements, de ce fait je continuais mes actions dans un total anonymat. Seul la Reine et mon bras droit sont au courant de mon statut « d’ancien arrivant ».

Au départ, le Pour/Contre, ce n’était pas grand-chose, et ceci mis beaucoup de temps avant d’éclater comme actuellement. Le mur, juste assez haut pour créer une réelle séparation et juste assez bas pour permettre tout de même aux habitants, en faisant quelques efforts, d’observer la Zone rivale, est une idée dont je reste très fier. Je ne pensais pas que cela irait jusqu’à déclencher officiellement la guerre ! Les guerres d’Underground sont différentes de celles d’Au-dessus. Elles font moins de pertes et sont plus « traditionnelles ». Cela m’avait surpris, la première fois.

Je me suis adapté à Underground comme j’ai pu. Je l’ai plus ou moins modelé selon mes désirs. Cela reste un monde très différent et il m’arrive de regretter ma maison, ma sœur, et toutes ces personnes idiotes qui m’entouraient. Mais à la compagnie d’idiots, je préfère celle de fous.